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moi d’une manière plus insidieuse et non moins cruelle que le jour où il faillit m’expédier avec le flot dans l’au-delà.

Il me manquait quelques mois pour atteindre mes dix-sept ans. Je rejetais avec mépris l’idée d’entreprendre tout travail régulier. J’avais conscience d’être un dur à cuire, parmi ce groupe de types coriaces. Je buvais parce qu’ils buvaient, pour me maintenir à leur niveau.

Après avoir été pour ainsi dire privé d’enfance, dans ma précocité, je m’endurcissais et j’acquérais une pitoyable philosophie. Ignorant tout de la tendresse féminine, je m’étais vautré dans une telle boue que je croyais fermement connaître le dernier mot de l’amour et de la vie. Triste science, hélas ! Sans être pessimiste, j’étais convaincu que la vie n’était qu’une affaire vulgaire et basse.

John Barleycorn était parvenu à me blaser. L’aiguillon qui, jadis, m’excitait l’esprit, s’émous-sait. La curiosité n’avait plus aucune prise sur moi. Qu’importait ce qui se trouvait de l’autre côté du monde où je vivais ? Des hommes et des femmes, sans doute pareils à ceux qui m’entouraient ; ils se mariaient et mariaient leurs enfants, et suivaient le courant des mesquines préoccupations humaines ; il y avait là aussi de la boisson.

Mais c’était trop de dérangement que d’aller boire à l’autre bout du monde. Je n’avais que deux pas à faire pour trouver ce qu’il me fallait chez Joe Vigy. Johnny Heinhold tenait toujours la « Dernière Chance ». Des bars s’offraient à tous les coins de rues, et même entre les coins.

Les murmures surgis du fond de la vie devenaient