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Si je le voulais ! N’avais-je pas entendu toutes les histoires, vraies ou fausses, qui circulaient à propos de l’Idler, cet énorme sloop qui revenait des îles Sandwich, où il faisait là contrebande de l’opium ? Et le harponneur qui en avait la garde, combien de fois, en le voyant, j’avais envié sa liberté ! Rien ne l’obligeait à mettre pied à terre ; il dormait à bord toutes les nuits, tandis qu’il me fallait, moi, rentrer en ville pour me coucher. Ce harponneur (personne autre ne m’avait renseigné sur sa qualité) n’avait que dix-neuf ans ; mais c’était, à mes yeux, une personnalité trop brillante pour que j’eusse osé le questionner lorsque, à distance respectueuse, je pagayais autour de son yacht.

Voulais-je bien emmener Scotty, le mousse déserteur, rendre visite au harponneur, sur l’Idler, navire qui faisait la contrebande de l’opium ? Et on me le demandait !

Le harponneur parut sur le pont en réponse à notre appel, et nous invita à monter à bord. Je jouai au marin et à l’homme, écartant suffisamment mon youyou du yacht pour ne pas endommager la peinture blanche, le laissant filer à l’arrière au bout de son amarre, et nouant nonchalamment celle-ci par une double-clef.

Nous descendîmes. Pour la première fois je voyais l’intérieur d’un bateau. Les vêtements, sur les murs, sentaient le moisi. Mais qu’importait ? C’était l’attirail de matelots : vestes en cuir doublées de velours à côtes, paletots de drap bleu marine, bottes de caoutchouc, suroîts et surtouts de toile cirée.

L’économie, de place se manifestait dans les couchettes étroites, les tables à bascule, les tiroirs ménagés dans les endroits les plus invraisemblables. Je remarquai l’axiomètre du gouvernail, les lampes ma-