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CHAPITRE VI

Scotty et le harponneur

Cependant l’époque approchait où j’allais entreprendre ma seconde série de débauches en compagnie de John Barleycorn.

À l’âge de quatorze ans, la tête bourrée de récits d’anciens voyageurs, de visions d’îles tropicales et de rives lointaines, je passais mes loisirs à côtoyer la baie de San Francisco et l’estuaire d’Oakland sur un léger canot à dérive centrale[1].

Je voulais me faire marin, je voulais me libérer de la monotonie et des platitudes quotidiennes. J’étais dans la fleur de mon adolescence, l’esprit enfiévré de romans et d’aventures, rêvant de vie sauvage dans un monde inculte. J’étais loin de me douter du rôle prépondérant que joue précisément l’alcool dans un pareil milieu.

Un jour, tandis que je hissais la voile de mon bateau, je fis la connaissance de Scotty. C’était un solide gars de dix-sept ans. Il venait de déserter, me dit-il, en Australie, d’un vaisseau anglais, sur le quel il était mousse. Revenu à San-Francisco sur un autre bâtiment, il cherchait à s’embaucher maintenant à bord d’un baleinier.

De l’autre côté de l’estuaire, près des baleiniers, était amarré le sloop-yacht Idler. Le surveillant, un harponneur, avait l’intention de s’embarquer pour son prochain voyage sur le baleinier Bonanza. Voudrais-je bien le prendre, lui, Scotty, sur mon canot, et le conduire auprès de cet homme-là ?

  1. Quille mobile qu’on relève ou qu’on abaisse selon la profondeur de l’eau. (N.D.T.)