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petites-filles aussi, de celles oui seront les mères, les épouses et les sœurs de cette postérité.

Et ce sera facile. Les seuls qui en pâtiront sont les ivrognes et les buveurs invétérés de la génération actuelle. Or je suis l’un de ceux-là, et je puis affirmer avec toute l’assurance basée sur un long commerce avec John Barleycorn qu’il ne me serait pas excessivement pénible de cesser de boire le jour où personne autre ne boirait plus et où il serait impossible de se procurer de la boisson. D’autre part, l’énorme majorité des jeunes hommes se compose normalement de sujets non alcooliques ; et cette jeune génération, n’ayant jamais eu accès à l’alcool, ne s’en trouvera nullement privée. Ils ne connaîtront les bars que comme souvenirs historiques, et considéreront l’ivrognerie comme une vieille coutume analogue aux combats de taureaux et aux autodafés de sorcières.

CHAPITRE XXXIX

Conclusions

Naturellement, une autobiographie n’est complète que si elle poursuit jusqu’au dernier moment l’histoire de son héros. Mais mon histoire à moi n’est pas celle d’un ivrogne converti. Je n’ai jamais été un ivrogne, et je ne me suis pas converti.

Par hasard, voilà quelque temps, j’ai fait en voilier, autour du cap Horn, un voyage de 148 jours. Je ne m’étais pas muni d’une provision particulière d’alcool, et je m’abstins de boisson, bien que n’importe quel jour de cette longue navigation j’eusse pu en demander au capitaine. Et-je m’en abstins parce que je n’en avais pas envie. Personne autre ne buvait à bord. L’atmosphère n’était pas favorable à la