Page:London - La saoulerie américaine, trad Postif, paru dans L'Œuvre du 1925-11-03 au 1926-01-05.pdf/290

Cette page n’a pas encore été corrigée

il est ce qu’il affirme. Le penseur est la pensée, le connaisseur est ce qui est connu, le possesseur est la chose possédée.

« Après tout, et tu le sais bien, l’homme est un flux d’états de conscience, un écoulement de pensées passagères, chaque pensée de soi-même constituant un nouveau soi, des milliers de pensées, des milliers de soi, un devenir continuel qui n’est jamais, un feu follet dans une région de fantômes. Mais cela, l’homme ne veut pas l’accepter à propos de lui-même. Il refuse de se soumettre à sa propre disparition. Il ne veut pas passer. Il veut revivre, quitte à mourir dans ce but.

« Il mélange des atomes et des jets de lumière, les nébuleuses les plus lointaines et les gouttes d’eau, des effleurements de sensation, des suintements de vase et les masses cosmiques, le tout bien trituré avec les perles de la foi, l’amour de la femme, des dignités imaginaires, des conjectures alarmées et de l’arrogance pompeuse ; et, avec ce mortier, il se construit une immortalité de nature à étonner les cieux et à dérouter l’immensité. Il grimpe sur son fumier, et, comme un enfant perdu dans l’ombre parmi les lutins, il atteste les dieux qu’il est leur frère cadet, prisonnier d’un instant, destiné à devenir aussi libre qu’eux-mêmes ; eu, ces monuments d’égoïsme construits d’interjections et de superlatifs ; rêves et poussières de rêves qui s’évanouissent et cessent d’exister avec le rêveur lui-même.

« Ce n’est rien de nouveau, ces mensonges d’importance vitale que les hommes se transmettent en les marmottant comme des charmes et des incantations contre les puissances de la Nuit. Les sorciers, guérisseurs et exorcistes furent les ancêtres de la métaphysique. La Nuit et la Camarde étaient des ogres qui barraient la route à