Page:London - La saoulerie américaine, trad Postif, paru dans L'Œuvre du 1925-11-03 au 1926-01-05.pdf/289

Cette page n’a pas encore été corrigée

bré ; puis je disparaîtrai et la page jaunira.

— Rêveurs et fantômes, ricane la Raison pure.

— Mais sûrement l’effort n’a pas été tout a fait inutile.

— Il était basé sur une illusion et un mensonge.

— Un mensonge nécessaire à la vie.

— Ce n’en est pas moins un mensonge.

Allons, remplis ton verre et examinons ces blagues nécessaires à la vie oui garnissent ta bibliothèque. Prenons un peu de William James.

— Un homme sain, celui-là. Il ne faut pas lui demander la pierre philosophale, mais il nous fournira quelques points d’attaches solides.

— Du rationalisme accouplé au sentimentalisme. Au terme de toute sa pensée, il reste attaché au sentiment de l’immortalité. Des faits transmués en profession de foi dans l’alambic de l’espérance. La raison produisant comme meilleur fruit sa propre dérision. Du sommet le plus élevé de la raison, James nous apprend qu’il faut cesser de raisonner et avoir confiance que tout est bien et finira pour le mieux — la vieille, très vieille pirouette acrobatique des métaphysiciens qui se mettent à déraisonner très raisonnablement pour échapper au pessimisme résultant de l’exercice honnête mais intransigeant de la raison.

« Cette chair qui est la tienne, est-elle toi-même, ou n’est-ce qu’une chose étrangère que tu possèdes ? Ton corps, qu’est ce que c’est ? Une machine à convertir des stimulations en réactions. Les unes et les autres persistent dans la mémoire et constituent l’expérience. Dans ta conscience, tu es donc ces expériences. Tu es à tout moment ce que tu penses à ce moment. Ton Moi est à la fois sujet et objet ; il affirme certaines choses sur lui-même, et