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kay, sur le ranch dit Pétaluma. C’est une liste monotone de noms d’hommes, commençant par un certain Manuel Micheltoreno, un Mexicain jadis « gouverneur, commandant en chef et inspecteur du département des Californies », attribuant au colonel Don Mariano Guadalupe Vallejo dix lieues carrées de terres volées aux Indiens, en récompense des services rendus à son pays et des soldes payées par lui à ses soldats pendant dix années.

Ce témoignage moisi de l’avidité de l’homme pour la terre dégage tout de suite une anxiété de bataille, de lutte hâtive contre lia poussière. Il y a des fideicommis, des hypothèques, des certificats de décharge, des transferts, des jugements, des forclusions, des séquestres, des ordres de vente, des oppositions fiscales, des pétitions de mandats de gestion et des décrets de dévolution. Cette terre assoupie au soleil d’été semble un monstre indomptable, et survit à tous ces hommes qui ont gratté sa surface avant de disparaître.

Qui était ce James King de William, au nom si bizarre ? Le plus vieux des colons de la Vallée de la Lune ne le connaît pas. Pourtant, voilà soixante ans seulement, il prêta à Mariano G. Vallejo une somme de dix-huit mille dollars garantie par certains terrains au nombre desquels se trouvait le futur vignoble qui devait prendre le nom de Tokay. D’où venait Peter O’Connor, et que devint-il, lorsque pour un jour il eut inscrit son nom vulgaire dans ces bois où il n’y avait pas encore de vignes ? A sa suite apparaît Louis Csomortanyi, avec son nom de grimoire, qui revient à plusieurs pages de cette histoire durable du sol.

Puis arrivent les Américains de vieille race, assoiffés par la traversée du désert, ayant franchi l’isthme à dos de mulet ou