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que les apparences et les illusions deviennent pour toi l’herbe sur les flots.

En versant le whisky et en le dégustant, je me souviens d’un autre philosophe chinois, Tchouang-Tzeu, qui, quatre siècles avant Jésus-Christ, dénonçait en ces termes la rêverie du monde :

« Qui sait si les morts ne se repentent pas de s’être attachés à la vie ? Ceux qui rêvaient d’un banquet s’éveillent avec tristesse et se lamentent. Ceux qui rêvaient de lamentation et de tristesse s’éveillent pour se joindre à la curée. Tant qu’ils rêvent, ils ne le savent pas. Certains interprètent même le songe auquel ils sont en proie ; c’est seulement en sortant de leur rêve qu’ils le reconnaissent pour tel… Les sots croient être actuellement éveillés et se flattent de savoir s’ils sont réellement princes ou paysans. Confucius et toi, vous êtes des songes ; et moi qui vous le dès j’en suis un moi-même.

« Une nuit, moi, Tchouang-Tzeu, j’ai rêvé que j’étais un papillon voletant de-ci de-là, un vrai papillon papillonnant. Je ne m’appliquais qu’à suivre ma fantaisie papillonne et j’étais inconscient de mon individualité humaine. Soudain, je me réveillai et me retrouvai moi-même, couche sur le dos. Je me demande si j’étais alors un homme rêvant qu’il était papillon, ou si je suis maintenant un papillon rêvant qu’il est homme. »

CHAPITRE XXXVII

Autres mensonges de la vie

— Allons, dit la raison pure, oublions ces rêveurs de l’Asie ancienne. Remplis ton verre, et examinons les parchemins des rêveurs d’hier, de ceux qui ont rêvé sur les tièdes collines qui t’appartiennent.

Je m’absorbe dans le sommaire des titres de propriété du vignoble dénommé To-