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bout d’homme et il me restait tant à apprendre !

Au bout d’un certain temps, les jeunes Irlandais se servirent du vin eux-mêmes ; la joie et l’allégresse régnèrent. J’en vis plusieurs chanceler et s’étaler en dansant, l’un d’eux s’en alla dormir dans un coin. Parmi les jeunesses, certaines se plaignaient et voulaient partir ; d’autres étouffaient de petits rires encourageants, prêtes à n’importe quoi.

J’avais refusé de participer à la tournée générale offerte par nos hôtes italiens : mon expérience de la bière m’avait suffi et je n’éprouvais pas le moindre désir de renouer mas relations avec Gambrinus ni personne de sa famille.

Malheureusement, un jeune drôle italien, nommé Pierre, me voyant assis a l’écart, eut la fantaisie de remplir à demi un gobelet et de me l’offrir. Il se tenait de l’autre côté de la table, en face de moi. Je repoussai le verre. Son visage se durcit et il me le présenta avec insistance. Alors l’effroi s’abattit sur moi — un effroi que je dois expliquer.

Ma mère avait des idées préconçues. Elle maintenait avec fermeté qu’il fallait se méfier des brunes et de toute la tribu des personnes aux yeux noirs. Inutile de dire qu’elle-même était blonde. De plus, elle était convaincue que les races latines au regard sombre sont excessivement susceptibles, traitresses et sanguinaires. Maintes fois j’avais bu à ses lèvres les histoires étranges et horribles qu’elle me racontait sur le monde. J’en avais retenu ceci : quand on offense un Italien, fût-ce légèrement et sans la moindre intention, il ne manque jamais de se venger en vous poignardant dans le dos. C’était son expression favorite : « poignarder dans le dos ».

Malgré toute ma curiosité de voir Black