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UNE MISSION DE CONFIANCE

paya les dix dollars, se fit descendre dans le canot, opération qu’il n’eût pu exécuter seul, et s’y étendit tout de son long, heureux à la pensée de reprendre son somme. Il y avait six milles environ de Dyea à Skagway.

Mais le propriétaire du canot n’était pas fichu de ramer convenablement. Fred dut prendre les avirons et s’exténuer durant quelques siècles de plus. Il connut là, durant ces six milles, la notion vraie de l’éternité et comme le fond de la souffrance. Une coquine de petite brise soufflait dans la baie et contrariait la marche du canot. Fred sentait la tête lui tourner et, au creux de l’estomac, une angoisse terrible. Allait-il se trouver mal ? Il ordonna à son compagnon de lui lancer à la figure de l’eau salée.

L’Athénien, juste au moment où Fred Churchill l’accosta, était en train de lever l’ancre. Churchill ramassa ses dernières forces pour crier, d’une voix rauque :

— Arrêtez ! Arrêtez ! J’apporte un message important ! Stoppez !

Et son menton retomba sur sa poitrine.

Cinq ou six hommes vinrent le chercher dans le canot. Il était complètement inerte et avait perdu connaissance. Quand on l’eut hissé à bord, il rouvrit les yeux, regarda autour de lui et se précipita sur le sac de Louis Bondell, auquel il s’accrocha frénétiquement, comme un noyé à une épave.