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UN DRAME AU KLONDIKE

voir le traîneau fatidique et la barbe noire de Thomson, toujours pointée vers le ciel.

Il vit aussi le chien de flèche, occupe à lécher la face du guide qui gisait sur la piste. Morganson observa la scène, d’un œil curieux. La bête était nerveuse et agitée. Par instants, elle jetait des glapissements courts et aigus, comme si elle eut voulu réveiller son maître. Dans d’autres, elle le fixait, silencieuse, les oreilles dressées en avant, et en remuant la queue.

Finalement, elle s’assit sur son derrière, dressa son museau verticalement vers le zénith, et entama sa hurle à la mort. Bientôt tous les autres chiens, l’imitant, reprirent en chœur le funèbre concert.

Maintenant qu’il avait perdu la bataille, Morganson était sans effroi. Il voyait son corps retrouvé dans la neige, par quelque passant de la piste. À cette pensée, il s’attendrit et pleurnicha sur lui-même, puis ferma les yeux. Oh ! ce n’était pas qu’il eût peur de mourir ! Bien au contraire…

Lorsqu’il voulut rouvrir ses paupières, il ne put y parvenir. Et il comprit que le gel de ses larmes les avait closes. Il n’essaya même pas de les libérer de la couche glacée. La mort venait. Qu’importait la nuit ?

Il n’avait pas cru que mourir fût chose si aisée. Il s’en voulait à cette heure d’avoir, comme il l’avait fait, tant lutté et tant souffert, durant d’interminables semaines. Il avait été joué par la peur