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UN DRAME AU KLONDIKE

— Ah ! Pourquoi ? demanda Morganson, d’une voix hésitante.

Il avait perdu l’habitude de soutenir une conversation. Sa voix était rauque et bizarre.

— Voici plus de deux mois que tu es passé ici, reprit le cabaretier. Tu allais à Selkirk, disais-tu ? Je vois que tu n’y es pas parvenu. Où as-tu été, pendant tout ce temps ?

Mentant effrontément, Morganson expliqua :

— J’ai été occupé à abattre et à fendre du bois, pour un agent de la Compagnie des Vapeurs du Yukon. Elle prépare, dès cette saison, ses provisions d’été.

Il débita son mensonge sans broncher, et d’un air indifférent. Car en dépit de son vacillement mental, il comprenait qu’il importait, avant tout, de ne point se trahir.

De son pas lourd il traversa la salle, afin de se rapprocher du comptoir et, quand il frôla les trois voyageurs assis autour du feu, son cœur battît furieusement. Car ils possédaient de la vie, sa vie !

Le cabaretier revint à la charge.

— Et où diantre as-tu fendu ton bois, camarade ?

— Oh ! pas bien loin d’ici… répliqua Morganson, Dans les forets qui se trouvent en face, sur la rive gauche du fleuve. Et j’en ai aligné un fameux tas !

— C’est cela, c’est cela… approuva le cabare-