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LA BRUTE DES CAVERNES

la catastrophe. Plus rien ne subsistait du bonheur rêvé.

Puis il reprit la maîtrise de soi. L’éternelle et stoïque patience reparut dans ses yeux, et il se mit en devoir de réunir les débris abandonnés par les loups.

Les os rongés, et grattés à blanc, renfermaient intérieurement de la moelle. Et, en fouillant bien dans la neige, il retrouva quelques reliefs du festin des brutes qui, vu l’abondance de la proie, les avaient dédaignés.

Morganson passa le reste de la matinée à charrier jusqu’à sa tente les morceaux de l’élan et ses débris bienheureux. Une dizaine de livres de bonne viande lui demeuraient, en outre, de ce qu’il avait, la veille, apporté avec lui. Il évalua le tout, mis en tas, et déclara :

— Il y en a là pour plusieurs semaines. Tout va bien !

Ce n’était pas d’aujourd’hui qu’il avait appris à ménager la nourriture et à vivre quand même.

Il nettoya son fusil et compta les cartouches qui lui restaient. Il y en avait sept. Il rechargea l’arme et alla reprendre son embuscade sur la berge du Yukon. Toute la journée, il demeura tapi dans la neige, en observant la piste déserte.

Rien ne vint, et pas davantage au cours de la semaine suivante. Mais, grâce à la viande, et quoique son scorbut empirât, lui causant d’intolérables douleurs, il avait repris quelques forces.