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UN DRAME AU KLONDIKE

jambes, ravagées par le scorbut, refusèrent de plier, et l’effort qu’il fit pour les faire céder lui arracha un cri de douleur. Il recommença plus lentement l’opération et, ayant réussi à se chausser, il quitta la tente.

De la butte boisée qui lui faisait face et où il avait dressé son échafaudage, s’élevait un concert de grognements confus, ponctués de glapissements, brefs et aigus. Malgré ses souffrances, il hâta sa marche, en poussant de grands cris menaçants.

Comme il débouchait dans la clairière, il vit une bande de loups qui détalait dans la neige, parmi les broussailles. L’échafaudage était par terre. Les loups avaient dévoré toute la viande. Ils se sauvaient, la panse lourde, aussi vite qu’ils le pouvaient, ne laissant derrière eux que les gros os.

Morganson se rendit compte immédiatement du processus du désastre. Utilisant le tronc d’arbre tombé, et où des empreintes de pattes étaient encore visibles sur la neige, un premier loup avait dû bondir, d’un saut formidable, jusqu’au faîte de l’échafaudage. Jamais Morganson n’aurait cru qu’un loup pût réussir un pareil bond.

Un second loup avait suivi le premier, puis un troisième et un quatrième, jusqu’à ce que la frêle construction se fût écroulée sous le choc et le poids des bêtes. Et toute la bande, alors, avait fait ripaille à son aise.

Durant un instant, l’homme demeura immobile, à contempler, d’un regard farouche, l’étendue de