Page:London - La brute des cavernes, trad Gruyer et Postif, 1934.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
LA BRUTE DES CAVERNES

Mais il n’en prit qu’un souci relatif. Il n’avait plus que faire de ce traîneau. L’élan, abattu par lui, avait fait germer en son esprit un nouveau plan. La viande de la bête valait, commercialement, cinquante cents la livre, et il n’y avait pas cinq kilomètres jusqu’à Minto,

La vie qu’il attendait, il la tenait dans sa main. Il vendrait l’élan et, avec l’argent qu’il en tirerait, il s’achèterait deux chiens, quelques provisions et du tabac. Alors les chiens le tireraient vers le Sud, sur la piste de la mer, du soleil et de la civilisation.

La faim renaissait. Non plus une douleur morne et monotone, comme celle qu’il avait si longtemps subie. Mais un désir aigu, irrésistible. Il revint vers la tente, de son même pas pesant, et se fit frire une nouvelle tranche de viande. Après quoi, il fuma deux pipes, bourrées de feuilles de thé. Puis il remit à frire une troisième tranche.

Il sentit, du coup, un renouveau de forces s’épandre dans tout son être, et il sortit pour aller fendre d’autres bûches. Cela valait bien une quatrième tranche d’élan. Il n’hésita point à s’en gratifier.

Sa faim, aiguillonnée par la nourriture, s’exaspéra. Sans arrêt, par l’effet d’une force invincible, les tranches succédaient aux tranches. Il se raisonna et diminua leur épaisseur. Mais il s’aperçut que plus rapidement venait le tour des tranches suivantes.