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UN DRAME AU KLONDIKE

Mais il se rendait compte de la marche du gel par une série de signes et de phénomènes naturels, que connaissent tous les hommes du Klondike : le craquement soudain de l’eau, tiède ou bouillante, jetée sur la neige ; la rapidité aiguë de la morsure du froid ; la promptitude avec laquelle la respiration gelait et se condensait, comme un verglas, sur les murs de toile de la tente et à son plafond.

En vain Morganson tenta de lutter contre cette froidure excessive et s’efforça de continuer à monter la garde sur la berge du fleuve. Sa faiblesse le rendait une proie facile à l’inclémence de la température et le gel eut le temps d’enfoncer profondément ses dents dans son être, avant qu’il se résignât à rentrer sous sa tente et à s’accroupir près de son poêle.

La conclusion de son équipée fut la perte d’un de ses pouces, qui resta gelé jusqu’à la première jointure.

Et, comme par une monstrueuse ironie, tandis que Morganson était, par le froid, ainsi refoulé sous sa tente, la piste soudain fourmilla de vie.

Deux traîneaux passèrent le premier jour. Puis deux autres, le second jour. Une fois, chaque jour, il essaya de se frayer un chemin jusqu’au peuplier d’où il devait, pour tirer, braquer son fusil. Il succomba à la tâche et dut battre en retraite, étant arrivé trop tard. Et chaque fois, une demi-heure après qu’il avait regagné sa tente, un second traîneau passa.