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LA BRUTE DES CAVERNES

quiconque, et attendit, immobile, l’œil aux aguets.

Dix minutes ne s’étaient pas écoulées dans cette inaction que le gel commença de mordre. Morganson s’assit, mit son fusil en travers de ses genoux, et battit des bras de l’avant et de l’arrière.

Mais la piqûre de ses pieds devint intolérable. Alors il se releva tout à fait et, gagnant un terrain plat, l’arpenta de long en large, de son pas pesant.

De temps à autre, il revenait vers la berge et, de ses yeux dilatés, continuait à interroger la piste du Yukon, comme si, par la tension de sa volonté, il avait pu y matérialiser enfin la forme attendue d’un homme. Mais rien n’apparut.

Il revint se réchauffer un peu à son feu de campement, qu’il ranima. Puis il recommença son même manège.

La température monta légèrement, pendant l’après-midi, et la neige se mit à tomber, fine et dure comme du cristal, il n’y avait pas de vent. Les blancs flocons descendaient tout droit, en une paisible monotonie.

Morganson se tapit dans un creux du sol, sous l’avalanche inlassable, les yeux fermés, et à demi courbé, la tête sur ses genoux. Il ne pouvait voir, mais ses oreilles montaient la garde.

Mais pas un glapissement de chiens, pas un crissement de traîneaux, pas un cri des conducteurs ne rompait le silence.

Au crépuscule, l’homme rallia sa tente, se coupa