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drisse. Se glisser sur le long beaupré et prendre un ris dans le foc fut une tâche relativement aisée, aussi quelques instants plus tard les deux jeunes garçons se retrouvaient-ils dans le cockpit. Sur les instructions de son compagnon, Joë raidit l’écoute de foc et, descendu dans la cabine, abaissa la dérive d’un pied environ.

L’émotion de la lutte avait chassé de son esprit toutes pensées désagréables. À l’exemple de Frisco Kid, Joë gardait son sang-froid. Il avait exécuté ses ordres sans maladresse et sans lenteur inutile. Ensemble ils avaient opposé leur piètre force à une nature violente, inexorable, et avaient triomphé d’elle. Quand il vint rejoindre son camarade au gouvernail, Joë débordait d’orgueil pour lui-même et pour Frisco Kid. Lorsqu’il lut, dans les yeux de celui-ci, l’approbation muette qu’ils reflétaient, il rougit comme une jeune fille s’entendant pour la première fois adresser un compliment. Mais l’instant d’après, il songea que ce garçon n’était après tout qu’un voleur, un vulgaire voleur, et, d’instinct, il recula d’un pas. Jusque-là, le côté laid de la vie lui avait été épargné. Choisies avec soin, ses lectures exaltaient l’honnêteté, la loyauté ; il considérait avec dégoût le monde de la pègre. Il se tint un peu à l’écart de Frisco Kid et garla le silence. Quant à Frisco, il était trop absorbé par la manœuvre du sloop pour remarquer ce revirement soudain dans l’attitude du jeune garçon.

Un détail cependant ne laissait pas d’étonner Joë : malgré sa répulsion instinctive pour Frisco Kid en tant que voleur, la société du jeune homme ne lui