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Des petits enfants et des bébés grouillaient sur le trottoir et presque sous leurs pieds. Nu-tête et mal vêtues, des commères bavardaient sur le seuil de leurs portes, allaient et venaient chargées de provisions bien maigres.

Dans tout le quartier régnait une odeur de fruits et de poissons gâtés, un relent de choses rances ou pourries. De solides gaillards déambulaient lourdement, et des petites filles en haillons se faufilaient à travers la foule avec des pots remplis de bière écumante. On entendait résonner des langues, des patois ou des accents divers, des cris, des prises de bec ou des querelles. Tout l’Abîme bourdonnait d’un vaste et constant murmure, comme la ruche humaine qu’il était. « Pouah ! Je serai content quand nous serons sortis de là-dedans ! », déclara Fred.

Il avait dit cela à voix basse, et les deux autres lui exprimèrent par signes leur approbation. Ils ne se sentaient pas disposés à parler, mais marchaient aussi vite que leur permettait la cohue et éprouvaient des sentiments analogues à ceux d’explorateurs engagés dans une jungle hostile et dangereuse.

Le danger et l’hostilité les guettaient en effet dans l’Abîme. Ses habitants semblaient détester la présence de ces étrangers de la Montagne. De sales petits marmots les insultaient au passage, grognant avec une feinte bravoure, mais tout prêts à la fuite au premier signal d’attaque ; d’autres les suivaient à grand bruit et s’enhardissaient à mesure que grossissait leur nombre.

« Ne faites pas attention à ces gars-là, conseilla Joë ; marchez toujours. Nous en sortirons bientôt.