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Les yeux de Joë s’égarèrent vers les rives du Marin County. La ligne où se rencontraient la terre et l’eau était déjà obscure, et de longues ombres grimpaient sur les collines vers le mont Talmapais, qui se découpait nettement sur le ciel à l’occident.

Ah ! si seulement il se trouvait lui-même, Joë Bronson, à bord de ce bateau pêcheur qui rentrait à la voile avec ses prises de haute mer ! Ou à bord de cette goélette en route vers le soleil couchant, vers le monde ! C’est là qu’on vivait, qu’on faisait quelque chose d’utile qu’on était quelqu’un. Tandis qu’il se morfondait, enfermé dans une chambre sans air, se torturant la cervelle à propos de personnages morts et disparus des milliers d’années avant sa naissance.

Il s’arracha de cette fenêtre où quelque force physique semblait adhérer, le retenir, et emporta résolument chaise et manuel d’histoire dans le coin le plus éloigné de la chambre, où il s’assit le dos tourné à la lumière.

Un instant après, il crut se retrouver devant la fenêtre et plongé dans ses rêves. Comment était-il venu là ? Son dernier souvenir c’était la découverte, en tête d’une page de son livre, d’un sous-titre ainsi libellé : « Les lois et la constitution de Dracon ». Comme un somnambule, c’est sûr, il était revenu à la fenêtre.

Depuis combien de temps ? se demanda-t-il.

Le bateau de pêche aperçu tout à l’heure au large de Fort Point voguait maintenant vers le Meigg’s Wharf, ce qui représentait un trajet d’une heure au moins. Le soleil était couché depuis longtemps ; une