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menta la force de ses coups d’aviron et leur donna bientôt la longueur voulue. Lorsqu’il eut couvert la moitié de la distance, il regarda à la ronde. À présent, sa fuite était assurée : même s’il était découvert, le Dazzler ne pourrait appareiller et le rattraper, avant qu’il eût gagné la terre et demandé protection à l’homme portant l’uniforme des soldats de l’oncle Sam. Un coup de fusil partit du rivage, mais Joë tournait le dos et ne crut pas devoir bouger. Une seconde détonation suivit et une balle fendit l’eau à soixante centimètres de sa rame. Seulement alors, il prit la peine de se retourner : le soldat le couchait en joue pour la troisième fois.

Joë se sentit dans une situation très critique. Dans quelques minutes, à grand renfort de rames, il atteindrait la grève et se trouverait en sûreté ; mais sur cette grève, pour une inexplicable raison, se tenait un soldat américain qui persistait à lui tirer dessus.

Lorsque Joë vit le canon du fusil braqué sur lui, il s’empressa de manœuvrer en arrière. Le youyou s’arrêta aussitôt et le soldat, abaissant son arme, ne quitta plus des yeux le jeune garçon.

« Je veux atterrir ! Important ! » lui lança Joë.

L’homme en uniforme hocha la tête.

« Mais c’est important, que je vous dis ! Ne voulez-vous pas me laisser débarquer ? »

Il jeta un rapide coup d’œil dans la direction du Dazzler. Les coups de feu avaient, de toute évidence, éveillé Pete-le-Français, car la grand-voile était hissée, l’ancre était dérapée et le foc se gonflait sous la brise.