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devait avoir eu presque fini ou à peu près, car elle les savait toujours avant le dîner, et l’heure de celui- ci approchait.

Quant à lui, il n’avait pas encore mis le nez dans ses livres. Cette pensée l’irrita. C’était déjà assez désagréable d’avoir, dans la même classe, une sœur, plus jeune que lui de deux ans, insupportable même, puisqu’elle le battait de loin sur le chapitre d’instruction. Non qu’il fût borné : il savait mieux que personne que ce n’était pas le cas. Mais sans s’expliquer au juste pourquoi, il perdait son temps à une foule de rien et n’était jamais prêt.

« Entre Joë, je t’en prie. »

Elle avait dans la voix une intonation légèrement plaintive.

« Eh bien, quoi ? » demanda-t-il, écartant la portière d’un mouvement brusque.

À peine avait-il prononcé ces mots d’un ton presque brutal qu’il le regretta en voyant la svelte fillette le regarder avec deux yeux soucieux, par-dessus la grande table couverte de livres. Elle était blottie, crayon et buvard en main, dans un immense fauteuil où elle paraissait encore plus délicate et fragile qu’elle ne l’était en réalité.

« Qu’y a-t-il, sœurette ? » interrogea-t-il d’une voix radoucie en contournant la table.

Elle lui prit une main, la serra contre sa joue et se rapprocha de lui d’un mouvement câlin.

« Qu’y a-t-il, mon petit Joë ? mais c’est à toi de le dire. »

Il gardait le silence, trouvant ridicule d’avouer ses ennuis à cette petite sœur : bien qu’elle eût de meil-