sont très lisibles et je vous avertis, Monsieur, que si vous commencez à prendre des libertés avec la vérité sur des questions secondaires, vous rendrez sujettes à caution vos déclarations ultérieures sur des points plus importants… Pourquoi avez-vous frappé M. Watson ?
— Votre Honneur, je le répète, je n’ai pas porté le moindre coup ! Je n’ai même pas levé la main !
Le juge se tourna vers Carter Watson, regarda son visage meurtri et tuméfié, puis fixa d’un œil sévère Sol Witberg :
— Regardez la joue de cet homme ! tonna-t-il. Si vous n’avez pas levé la main, comment se fait-il qu’il soit en cet état ?
— Comme je viens de l’affirmer sous…
— Prenez garde ! fît le magistrat.
— C’est ce que je fais, Monsieur : je n’entends dire que la vérité pure et simple. Il s’est blessé volontairement avec une pierre – ou plutôt avec deux pierres.
— Est-il admissible, demanda Watson, qu’un homme, à moins d’être fou, s’abîme ainsi la figure, et persiste à se la marteler, avec un ou deux cailloux ?
— Cela me paraît, en effet, un conte à dormir debout, fît le juge en guise de commentaire… Monsieur Witberg, n’auriez-vous pas bu ?
— Non, Monsieur !
— Vous ne buvez pas ? Jamais ?
— Si, mais très peu, de temps à autre.
Le juge médita cette réponse avec un air de profonde pénétration.
Watson en profita pour décocher un clin d’œil ironique à Sol Witberg, qui ne parut pas apprécier l’humour de la situation.
Le juge rendit enfin son arrêt, qui débutait ainsi :
« Cause singulière, très singulière ! Les dépositions des deux parties sont en flagrante contradiction. Il n’y a pas de témoins en dehors des deux plaignants : chacun d’eux prétend que l’autre a commencé, et les moyens légaux me manquent pour établir où gît la vérité. N’empêche que je garde mon opinion personnelle, monsieur Witberg, et je vous conseille de vous abstenir dorénavant de remettre