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QUAND UN HOMME SE SOUVIENT

tressaillit de joie en voyant que c’était à lui de commencer.

Il battit les cartes, les donna et Uri coupa le valet de pique. Ils abattirent leurs jeux. Uri était sans atouts, alors que Fortuné montrait l’as deuxième. La liberté lui paraissait bien proche, tandis qu’ils comptaient les cinquante pas.

— Si Dieu diffère sa vengeance et que tu m’abattes, les chiens et le reste t’appartiennent. Tu trouveras un acte de vente bien en règle dans ma poche, déclara Uri, se tenant droit devant lui, la poitrine offerte.

Fortuné chassa de son esprit la vision du soleil étincelant sur les mers et se prépara à tirer. Il y mit le plus grand soin. Deux fois il abaissa son arme, tandis que la brise du printemps battait les pins. Puis, se ravisant, il mit un genou à terre, empoigna le revolver à deux mains et fit feu.

Uri tourna à demi sur lui-même, étendit les bras, chancela un instant et s’affaissa dans la neige.

Mais Fortuné se rendit compte qu’il l’avait touché trop d’un côté, autrement il n’aurait pas tourné.

Quand Uri, maîtrisant la douleur et s’efforçant de se relever, lui fit signe qu’il voulait l’arme, Fortuné songea à tirer une seconde fois. Mais il repoussa cette idée. La veine lui avait déjà été favorable, et s’il trichait maintenant, elle pourrait se retourner contre lui. Non, il jouerait franc jeu. Au reste, Uri était bien atteint, et serait sans doute incapable de