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L’ABNÉGATION DES FEMMES

Et mieux encore : son amour était si grand qu’elle se sacrifia elle-même.

Avant de fermer les paupières pour toujours, elle prit ma main et la glissa sur sa poitrine, sous sa parka en peaux d’écureuils. Je sentis un sachet bien rempli, et je compris enfin pourquoi elle s’était affaiblie. Chaque jour, nous avions divisé loyalement notre nourriture, jusqu’au dernier morceau ; mais, chaque jour, elle n’avait mangé que la moitié de sa part. Le reste était allé remplir le sachet.

Elle dit :

— Ici se termine la piste pour Passuk, mais la tienne, Charley, continue bien loin encore, par-dessus le grand Chilcoot jusqu’à la Mission Haines, près de la mer. Elle mène bien loin, éclairée par de nombreux soleils, à travers des pays inconnus et des mers étrangères ; elle est longue et pleine d’honneur et de gloire.

« Elle mène aux cabanes de nombreuses femmes et de bonnes épouses, mais elle ne conduira jamais à un plus grand amour que celui de Passuk. »

Je savais qu’elle disait vrai, mais une sorte de folie me saisit. Je jetai loin de moi le sachet et je jurai que mon voyage était terminé. Ses yeux fatigués se voilèrent de larmes et elle ajouta :

« Sitka Charley a vécu avec honneur parmi les hommes, et jamais il n’a manqué à sa parole. Ne tient-il donc plus compte de cet honneur, pour prononcer de vaines paroles près du Carrefour du Caribou ? Ne se souvient-il plus de ceux de Forty-Mile,