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L’ABNÉGATION DES FEMMES

car les hommes étaient partis à la chasse et les femmes et les jeunes garçons s’occupaient à rentrer la viande.

« Nous étions au printemps. Je me trouvais seule. Un grand ours brun, affamé, qui sortait de son sommeil hivernal, et dont la fourrure plissait sur les os, passa la tête dans la cabane en grognant : Ouf ! À ce moment mon frère rentrait avec le premier traîneau de viande. Il lutta contre l’ours à l’aide de tisons qu’il retirait du feu et les chiens, tout harnachés, le traîneau toujours derrière eux, sautèrent sur le monstre. Ils déchaînèrent une grande bataille et beaucoup de vacarme, roulèrent dans le feu : les balles de fourrures furent éparpillées et la cabane bouleversée.

« À la fin, l’ours succomba. Dans la gueule, il gardait les doigts de mon frère, et le visage de celui-ci était labouré des marques de ses griffes.

« As-tu remarqué l’Indien sur la piste de Pelly ? Sa moufle qui n’avait pas de pouce et la main qu’il réchauffait à notre feu ? C’était mon frère ! Je lui ai refusé à manger, et il est parti dans le Silence, sans nourriture. »

Tel fut, frères, l’amour de Passuk, qui mourut dans la neige, près du Carrefour du Caribou.

C’était un amour puissant, car elle renia son frère pour l’homme qui la conduisait sur une piste de misère et à une fin cruelle.