Page:London - En pays lointain.djvu/249

Cette page a été validée par deux contributeurs.
245
L’ABNÉGATION DES FEMMES

Nos pieds aussi étaient meurtris, plus que les siens, peut-être, car nous avions peiné avec l’attelage et tous les soucis de la route nous encombraient.

Le grand Jeff nous jura qu’il mourrait plutôt que de reprendre la piste ; alors Passuk ramassa une couverture de peaux, moi une casserole et une hache, et nous nous préparâmes à partir.

Mais elle jeta les yeux sur la portion de l’homme et dit : « Ce serait un crime de gaspiller de la bonne nourriture pour cet avorton. Mieux vaut qu’il meure. »

Je secouai la tête et répondis : « Non ! on n’abandonne pas ainsi un camarade ! »

Elle me parla ensuite des hommes de Forty-Mile ; elle me dit qu’ils étaient nombreux et bons, et me rappela qu’ils comptaient sur moi pour avoir à manger au printemps.

Comme je continuais de répondre négativement, Passuk arracha mon revolver de ma ceinture, d’un geste rapide, et, selon l’expression de notre ami Bettles, elle envoya le grand Jeff au sein d’Abraham avant son temps.

Je réprimandai Passuk pour son acte, mais elle ne témoigna ni regret ni tristesse et, au fond de mon cœur, je lui donnai raison.

Sitka Charley s’arrêta de parler pour jeter quelques morceaux de glace dans la batée sur le poêle.

Les hommes se turent et un frisson courut le