Vers midi, au déclin du soleil, nous rattrapions le grand Jeff dont les larmes étaient gelées sur ses joues, et nous le dépassions.
À la nuit tombante, nous installions notre campement ; nous mettions à part sa ration de vivres, étalions ses fourrures de couchage et allumions un grand brasier, afin qu’il pût nous retrouver.
Plusieurs heures après, il arrivait en boitant, mangeait en pleurant et en gémissant, puis s’endormait.
Il n’était pas malade, cet homme, mais simplement meurtri et fatigué par la piste et affaibli par la faim. Cependant, Passuk et moi étions aussi mal en point ; nous faisions tout le travail, et lui rien ; mais il avait le filon de graisse, dont a parlé notre frère Bettles. Au reste, nous ne manquions jamais de lui donner sa ration.
Un jour, nous rencontrâmes deux ombres, errant dans le Silence : un homme et un jeune garçon, des blancs. La glace ayant cédé sur le Lac Lebarge, avait englouti la plus grande partie de leur équipement.
Chacun d’eux portail une couverture jetée sur les épaules. À la nuit, ils allumaient un feu et se tenaient courbés dessus jusqu’au matin.
Ils ne possédaient qu’un peu de farine. Ils la délayaient dans de l’eau chaude et buvaient ce mélange. L’homme me montra huit tasses de farine, toute leur richesse. Et Pelly, où la famine régnait, était encore à deux cents milles de là !