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L’ABNÉGATION DES FEMMES

celui-ci, sur laquelle s’amoncelaient des quartiers de roc pour protéger son cadavre contre les chiens.

Nous aperçûmes un groupe d’Indiens, mais, parmi eux, ni enfants, ni vieillards, et il était évident que peu de ceux qui restaient reverraient le printemps.

Nous poursuivîmes donc notre marche, le ventre vide et le cœur gros, avec quelque cinq cents milles de neige et de silence entre nous et la Mission Haines, au bord de la mer.

C’était l’époque des longues nuits, et à peine, si à midi le soleil parvenait à éclairer l’horizon vers le Sud. Mais les amas de glaçons étaient plus petits et la marche plus aisée.

Je pressais les chiens et je m’arrêtais tard, dans la nuit, pour reprendre la piste à la première heure, le lendemain.

Comme je l’avais dit à Forty-Mile, chaque pouce de terrain devait être parcouru sur des raquettes, et celles-ci produisaient sur nos pieds de larges plaies qui se fendillaient et se desséchaient, mais se refusaient à guérir. De jour en jour, elles devenaient plus douloureuses, si bien que le matin, quand nous nous chaussions, le grand Jeff pleurait comme un gosse.

Je l’avais mis devant le traîneau le plus léger pour frayer la piste, mais il se débarrassait de ses raquettes pour être plus à l’aise.

Naturellement, la neige n’étant pas tassée, ses mocassins laissaient de grands trous où les chiens