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L’ABNÉGATION DES FEMMES

Un soir, nous étions réunis dans le magasin ; la vue des rayons dégarnis nous faisait sentir davantage le vide de notre estomac. Nous parlions bas, à la lueur du feu, car les bougies avaient été mises de côté pour ceux en qui le printemps trouverait encore un souffle de vie.

On discuta, et il fut décidé qu’un homme partirait jusqu’à l’Eau Salée, afin de faire connaître au monde notre misère. Là-dessus tous les yeux se tournèrent vers moi, car on me considérait comme un hardi voyageur.

— Il y a sept cent milles, dis-je, d’ici à la Mission Haines, sur le bord de la mer, et pas un pouce de ce trajet qui puisse s’effectuer autrement que sur les raquettes. Donnez-moi la fleur de vos chiens, le meilleur de vos provisions et j’irai. Et Passuk viendra avec moi.

Ils acceptèrent.

Alors se leva l’un d’entre eux, le grand Jeff, un Yankee solidement charpenté et bien musclé. Son discours fut à l’avenant. Lui aussi, disait-il, était un grand voyageur né pour les raquettes et nourri au lait de buffle. Il m’accompagnerait pour passer la consigne à la Mission, au cas où je succomberais en route.

J’étais jeune et ne connaissais pas les Yankees. Comment aurais-je su que ses paroles vantardes trahissaient le filon de graisse, ou que les Yankees capables de grandes choses ne parlaient pas tant ?

Donc, nous prîmes les plus vigoureux des chiens,