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L’ABNÉGATION DES FEMMES

cie d’événements tragiques, avait laissé une profonde impression sur l’esprit de l’ingénieur des mines.

— Il est enterré quelque part, là-bas… Et, de la main, il balaya vaguement la direction de l’Est mystérieux.

— C’est le plus gros type qui se soit jamais aventuré vers l’Eau Salée, ou acharné sur la piste d’un élan, ajouta Bettles, mais il constitue l’exception qui confirme la règle. Voyez sa femme, Unga, elle pèse au plus cent dix livres, pas une once de superflu. Elle l’aurait vaincu en endurance, rattrapé, voire même dépassé, le cas échéant. Elle eût remué ciel et terre pour arriver à ses fins.

— Mais elle l’aimait, objecta l’ingénieur.

— Ce n’est pas cela. C’est…

— Écoutez, frères, — interrompit Sitka Charley de la place qu’il occupait sur la boite aux provisions. Vous avez parlé du filon de graisse qui empâte les muscles des hommes gros, de l’abnégation et de l’amour des femmes, et vous avez bien parlé ; mais je songe à des choses qui se passaient lorsque la contrée était jeune et que les feux des hommes étaient aussi éloignés les uns des autres que des étoiles. C’est alors que j’ai eu affaire à un gros, à un filon de graisse, et à une femme. Bien qu’elle fût petite, son cœur était bien plus grand que celui de l’homme. Et elle avait du cran.

Nous suivions une rude piste le long de l’Eau Salée ; le froid était rigoureux, la neige épaisse et