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L’ABNÉGATION DES FEMMES

— Oh ! je ne me plains pas. Je peux très bien avaler ma purge ! Très bien ! Mais j’ai honte de moi-même, et je l’avoue. Me voilà, pour une randonnée de trente malheureux milles, aussi brisé, ankylosé et malade qu’un dégénéré, buveur de thé rose, après une promenade de cinq milles sur un sentier de campagne. Pouah ! j’en ai des nausées ! Vous avez une allumette ?

Betties lui passa le brin de bois demandé en lui disant, d’un ton protecteur :

— Te fais pas trop de bile, petit. Gardes-en un peu pour le dégel. Tu es légèrement démoli ? Ah ! je me vois encore, la première fois que j’ai pris la piste ! Tu es ankylosé ? J’ai connu des moments où il m’aurait fallu dix minutes pour me relever après avoir bu à un trou d’eau, toutes mes articulations craquantes et douloureuses à en crever. Tu as des crampes ? Elles me tordaient d’une telle façon que les camarades du camp auraient mis une demi-journée pour me dégourdir les membres.

« Tu ne vas pas mal pour un jeunet, et tu as la mentalité qu’il faut. D’ici un an, tu nous useras les pattes le long de la piste, à nous les vieux de la vieille, comme tu voudras. Et tu peux encore te vanter de n’avoir pas, dans ton anatomie, le filon de graisse qui a envoyé au sein d’Abraham pas mal de solides gaillards avant leur temps.

— Le filon de graisse ?

— Oui, cela vient avec l’embonpoint. Les plus gros ne sont pas les meilleurs pour suivre la piste.