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EN PAYS LOINTAIN

naient dans de mornes silences qui, de jour en jour, augmentaient en durée et en intensité. Parfois une lueur dans le regard ou un pli de la lèvre trahissait ce qu’il y avait de meilleur en eux, bien qu’ils s’efforçassent de s’ignorer entièrement l’un l’autre pendant ces périodes de mutisme. Et chacun, de son côté, s’étonnait de ce que Dieu eût pu créer un être semblable à son compagnon.

Ils avaient si peu d’occupations que le temps devenait pour eux un fardeau intolérable. Leur paresse s’accrut encore de ce fait. Ils tombèrent dans une léthargie physique à laquelle il leur fut impossible de se soustraire et ils se révoltèrent à l’idée d’accomplir la plus minime tâche.

Un matin que Weatherbee devait, à son tour, préparer le déjeuner commun, il se glissa hors de ses couvertures, et, pendant que son compagnon ronflait, alluma d’abord la lampe à huile, puis le poêle. Les bouilloires étaient gelées et il n’y avait pas dans la cabane d’eau pour se laver. Il ne s’en inquiéta pas le moins du monde. En attendant que l’eau dégelât, il coupa quelques tranches de lard et se plongea dans le travail délectable de pétrir le pain.

Cuthfert l’avait sournoisement observé entre ses paupières mi-closes. Il s’ensuivit une scène au cours de laquelle ils ne se ménagèrent pas les malédictions et ils convinrent que chacun d’eux, désormais, préparerait sa nourriture. Une semaine plus tard, Cuthfert négligeait ses ablutions matinales ; il n’en mangea pas moins de bon cœur le repas qu’il s’était fait