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LE DIEU DE SES PÈRES

III

— Que diable, Baptiste ! Il ne peut être question de cela, pas un instant ! Cet homme est un imbécile, et un être inutile dans la création, je te l’accorde volontiers. Tu conviendras cependant que je ne peux te le livrer ainsi.

Stockard s’arrêta, essayant de traduire par ses paroles les rudes convictions morales qu’il sentait dans son cœur.

— Il m’a tourmenté autrefois, Baptiste, et il recommence aujourd’hui ; il m’a causé toute sorte de tracas, mais ne vois-tu pas qu’il est de ma race ? un blanc, et… et… Eh bien ! je ne pourrais racheter ma vie aux dépens de celle d’un autre, fût-il un nègre.

— Qu’à cela ne tienne, répondit Baptiste Le Rouge. Je t’ai fait grâce tout à l’heure ; maintenant je te donne le choix. Je vais revenir accompagné de mes prêtres et de mes guerriers ; ou bien je te tuerai, ou bien tu renieras ton Dieu. Abandonne-moi ton prêtre et tu pourras partir en paix, sinon votre piste se terminera ici. Tout mon peuple est contre vous, jusqu’aux enfants. Tu vois : ils ont déjà enlevé vos pirogues.

Il montra le fleuve. Des gamins, tous nus, descendus à la nage au fil de l’eau, avaient détaché les pirogues qu’ils lançaient dans le courant. Une fois parvenus hors de portée d’un coup de fusil, ils grim-