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LE DIEU DE SES PÈRES

et des actes qui pouvaient s’ensuivre. Mais enfin je leur arrachai le récit du drame, du pitoyable drame, mot par mot, acte par acte, et ils s’étonnèrent de mon sang-froid.

Quand ils m’eurent tout appris, je me rendis chez le facteur, plus calme encore que je ne le suis en le racontant. Pris de peur, il avait appelé les métis pour le défendre, mais ils réprouvaient son crime et l’avaient laissé étendu sur le lit qu’il s’était préparé. Alors il s’était réfugié chez le pasteur où je le rejoignis. En arrivant, je trouvai celui-ci devant moi. Il me prodigua des paroles de douceur, me disant qu’un homme courroucé ne devait obliquer ni à droite ni à gauche, mais se diriger tout droit vers Dieu. Je l’implorai, au nom de ma colère paternelle, de me livrer passage, mais il me dit que je ne franchirais le seuil de sa porte que sur son corps. Puis il m’exhorta à la prière.

Tu vois, l’Église, toujours l’Église ! Naturellement, je passai sur son corps et j’envoyai le facteur rejoindre ma pauvre enfant, devant son Dieu, un mauvais Dieu, le Dieu des blancs.

Il y eut un grand haro, car la nouvelle avait été transmise au poste voisin. Je partis. Je traversai la contrée du Grand-Esclave, descendis la vallée du Mackenzie jusqu’à la glace éternelle, franchis les Rocheuses Blanches, et une fois passée la grande courbe du Yukon, j’arrivai enfin ici. Et depuis lors, tu es le premier homme appartenant à la race de mon père que j’aie rencontré. Puisses-tu être le