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LE DIEU DE SES PÈRES

Sur un des côtés du camp principal, et nettement séparées de celui-ci, s’élevaient deux tentes. C’était le campement d’un blanc et, à défaut d’autre indice, le choix même de son emplacement en eût été une preuve convaincante. Voulait-il attaquer ses ennemis ? Il commandait d’une centaine de mètres le quartier indien ; pour se défendre, il était maître de la crête et de l’espace libre ; en cas de défaite, il pouvait enfin fuir par la pente rapide d’une vingtaine de mètres, qui descendait vers les pirogues.

D’une des tentes venaient les cris perçants d’un enfant malade et le chant monotone de sa mère qui le berçait. Dehors, près d’un feu couvant sous la cendre, deux hommes conversaient.

— Eh bien ! oui ! J’aime l’Église comme un bon fils. À un tel point que mes jours se sont passés à la fuir et mes nuits à rêver au moyen de transiger avec elle. Écoute !

La voix du métis s’éleva en un grondement de colère.

— Je suis né sur le fleuve Rouge. Mon père était blanc, aussi blanc que toi. Mais tu es un Yankee, et lui était Anglais, et le fils d’un gentleman. Quant à ma mère, fille d’un chef indien, elle avait enfanté en moi un rude gaillard ; il fallait y regarder à deux fois pour reconnaître quel sang coulait dans mes veines, car je vivais avec les blancs, leur égal, et le cœur de mon père battait dans ma poitrine. Il arriva qu’une vierge — une blanche — me regarda d’un œil bienveillant. Son père possédait de vastes