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UNE FILLE DE L’AURORE

Il détacha Croc-de-Loup et le mit à la tête du traîneau de Harrington ; puis, il poussa la file des chiens sur la piste du Yukon.

— Pauvre Louis Savoy ! dirent les hommes.

Mais une lueur de défi brilla dans les yeux noirs de Joy Molineau, et elle s’en retourna à la cabane de son père.

Il était près de minuit.

Quelques centaines d’hommes emmitouflés de fourrures avaient préféré, à l’attrait des cabanes chaudes et des couchettes confortables, le plaisir d’assister, par une température de soixante degrés en dessous de zéro, à la prise de possession du claim d’Olaf Nelson. Un certain nombre d’entre eux avaient leurs piquets tout préparés, et leurs chiens se trouvaient à proximité. Une escouade de policiers à cheval du capitaine Constantine était sur place pour garantir la régularité de l’opération. On avait lancé un ordre interdisant à quiconque de planter un jalon avant que la dernière seconde du jour fût tombée dans le passé. Dans le Northland, de telles lois sont aussi respectées que si elles étaient de Jéhovah lui-même, car le coup de feu vengeur est aussi rapide et aussi efficace que ses foudres. Le temps était clair et glacial. L’aurore boréale projetait au firmament une orgie de couleurs chatoyantes. Des vagues d’un rose pâle, froides et brillantes, traversaient le zénith, tandis que des couches éclatantes de vert et de blanc