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pour implanter, d’un contre-coup de sa queue, dans la patte qui se retirait, une moisson de dards. Au cri d’agonie de la victime répondit instantanément le hurlement de surprise et de douleur de l’énorme chat.

Un-Œil s’était dressé, pointant ses oreilles et balançant sa queue derrière lui. Le lynx, qui avait d’abord reculé, se rua, d’un bond sauvage, sur l’auteur de ses blessures. Le porc-épic qui, piaulant et grognant, tentait en vain, pour sa défense, de replier en boule sa pauvre anatomie brisée, eut encore la force de détendre sa queue et d’en frapper le félin. Le lynx, dont le nez était devenu semblable à une pelote monstrueuse, éternua, rugit et tenta de se débarrasser, à l’aide de ses pattes, des dards féroces. Il traîna son nez dans la neige, le frotta contre des branches d’arbres et des buissons et, ce faisant, il sautait sur lui-même, en avant, en arrière, de côté, se livrant à des culbutes d’acrobate, à des pirouettes de fou, en une frénésie de souffrance et d’épouvante.

Le vieux continuait à observer. Il vit non sans effroi, et sa fourrure s’en hérissa sur son dos, le lynx, qui avait tout à coup cessé ses culbutes, rebondir en l’air, en un dernier saut, plus haut que les autres, en poussant une longue clameur éperdue, puis s’élancer sur le sentier, droit devant lui, hurlant à chaque pas qu’il faisait.

Ce fut seulement lorsque les cris se perdirent au loin que le vieux loup se risqua hors de sa cachette et s’avança vers le porc-épic. Soigneusement il marcha sur la neige, comme si elle eut été jonchée de dards, prêts à percer la sensible