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À l’instinct ancestral de la mère-loup en correspondait un autre chez le vieux loup, qui était commun à tous les pères-loups. C’était qu’il devait incontinent, et sans se fâcher, tourner le dos à sa jeune famille et aller quérir, là où il le fallait, la chair nécessaire à sa propre subsistance et à celle de sa compagne.

Il trotta, trotta, jusqu’à cinq ou six milles de la tanière, sans rien rencontrer. Là, le torrent se divisait en plusieurs branches, qui remontaient vers la montagne. Il tomba sur une trace fraîche, la flaira et, l’ayant trouvée tout à fait récente, il commença à la suivre, s’attendant à voir paraître d’un instant à l’autre l’animal qui l’avait laissée. Mais il observa bientôt que les pattes qui étaient marquées étaient de beaucoup plus larges que les siennes et il estima qu’il ne tirerait rien de bon du conflit.

Un demi-mille plus loin, un bruit de dents qui rongeaient parvint à l’ouïe fine de ses oreilles. Il avança et découvrit un porc-épic, debout contre un arbre et faisant sa mâchoire sur l’écorce. Un-Œil approcha, avec prudence, mais sans grand espoir. Il connaissait ce genre d’animaux, quoiqu’il n’en eût pas encore rencontré de spécimens si haut dans le Nord, et jamais, au cours de sa vie, un porc-épic ne lui avait servi de nourriture. Il savait aussi, cependant, que la chance et l’opportunité du moment jouent leur rôle dans l’existence. Personne ne peut dire exactement ce qui doit arriver, car, avec les choses vivantes, l’imprévu est de règle. Il continua donc à avancer.

Le porc-épic se mit rapidement en boule, fai-