ceux qui mouraient. Elle était, pour les survivants, aboutissement et réalisation.
Lorsque le grand loup gris ne bougea plus, le vieux borgne, Un-Œil[1] (ainsi l’appellerons-nous désormais), alla vers la louve. Il y avait, dans son allure, de la fierté de sa victoire et de la prudence. Il était prêt à une rebuffade, si elle venait, et ce lui fut une agréable surprise de voir que les dents de la louve ne grinçaient pas vers lui avec colère. Son accueil, pour la première fois, lui fut gracieux. Elle frotta son nez contre le sien et condescendit même à sauter, gambader et jouer en sa compagnie, avec des manières enfantines. Et lui, tout vieux et tout sage qu’il fût, comme elle il fit l’enfant et se livra à maintes folies, pires que les siennes.
Il n’était plus question déjà des rivaux vaincus, ni du conte d’amour écrit en rouge sur la neige. Une fois seulement, le vieux loup dut s’arrêter de jouer, pour lécher le sang qui coulait de ses blessures non fermées. Ses lèvres se convulsèrent, en un vague grondement, et le poil de son cou eut un hérissement involontaire. Il se baissa vers la neige encore rougie, comme s’il allait prendre son élan, et en mordit la surface, dans un spasme brusque de ses mâchoires. Au bout d’un moment, il ne pensa plus à rien derechef, et courut vers la louve qui se sauva, en le conviant à sa suite au plaisir de la chasse à travers bois.
Ils coururent, dès lors, toujours côte à côte,
- ↑ One Eye.