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soif. Les muqueuses brûlées de son estomac s’enfiévrèrent, et celui-ci commença à réclamer, avec une exaspération croissante, le liquide corrosif. En même temps, le cerveau de l’Indien, bouleversé par l’horrible stimulant, enlevait au malheureux tout scrupule pour satisfaire sa passion. Les bénéfices acquis par la vente des fourrures et des mocassins se mirent à partir et, à mesure que s’aplatissait la bourse de Castor-Gris, sa force de résistance diminuait aussi.

Finalement, argent, marchandises et volonté, tout s’en était allé. Rien ne demeurait à Castor-Gris que sa soif prodigieuse, qui régnait diaboliquement en lui et dont la puissance augmentait à chaque souffle qu’il émettait sans avoir bu.

C’est alors que Beauté revint à la charge et reparla de la vente de Croc-Blanc. Mais, cette fois, le prix offert était payable en bouteilles, non en dollars, et les oreilles de Castor-Gris étaient mieux ouvertes pour entendre.

— Le chien est à toi, finit-il par dire, si tu peux mettre la main dessus.

Les bouteilles furent livrées. Mais, deux jours après, ce fut Beauty-Smith qui revint dire à Castor-Gris :

— Attrape-le donc toi-même ! »

Croc-Blanc, en rentrant un soir au campement, vit, avec un sourire de satisfaction, que le terrible dieu blanc, contrairement à son habitude, n’était pas là. Il s’étendit par terre avec volupté, comme si un poids qui pesait sur lui avait disparu.

Sa joie fut de courte durée. À peine était-il couché que Castor-Gris vint vers lui, en titubant,