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les gros travaux. On ne le méprisait pas ; on le tolérait, par humanité et parce qu’il était utile. On en avait peur aussi. Il y avait toujours à craindre, dans une de ses rages de lâche, un coup de fusil dans le dos ou du poison dans le café. Mais personne ne savait préparer comme lui le fricot et, quel que fût l’effroi qu’il inspirait, Beauté était bon cuisinier.

Tel était l’homme qui délectait ses regards des féroces prouesses de Croc-Blanc et n’eut plus bientôt qu’un désir, le posséder. Il commença par faire des avances au louveteau, qui feignit de les ignorer. Puis, les avances devenant plus pressantes, celui-ci se hérissa, montra les dents et prit du large. Croc-Blanc n’aimait pas cet homme, dont l’odeur était mauvaise. Il pressentait que le mal était en lui. Il craignait sa main étendue et l’affectation de ses paroles mielleuses. Il le haïssait.

Chez les êtres simples, la notion du bien et du mal est simpliste elle-même. Le bien est représenté par toutes choses qui apportent contentement et satisfaction, et évitent la peine. Le mal signifie tout ce qui est incommode et désagréable, tout ce qui menace et frappe. Croc-Blanc devinait que Beauty-Smith était le mal. Aussi était-il sage de le haïr. De ce corps difforme et de cette âme perverse s’échappaient, pour le louveteau, d’occultes émanations, semblables à ces brouillards pestilentiels qui s’élèvent des marécages.

Croc-Blanc se trouvait présent au campement de Castor-Gris, lorsque, pour la première fois, Beauté y fit son apparition. Avant qu’il ne fût en