turer loin de la protection des dieux et, dès qu’il s’écartait de Castor-Gris, de Mit-Sah ou de Kloo-Kooch, tous les chiens lui tombaient dessus. Croc-Blanc, à ce spectacle, savourait pleinement sa vengeance. Il n’avait pas pardonné davantage aux autres chiens, qu’il prenait plaisir à rosser, à toute occasion, appliquant dans son intégralité la loi : Opprimer le faible et obéir au fort. Aucun d’eux, même le plus hardi, n’osait plus essayer de lui voler sa viande. Bien au contraire, ils dévoraient tous, précipitamment, leur propre repas, dans la crainte que le louveteau ne vînt le leur ravir. Lui, de son côté, mangeait sa part le plus rapidement qu’il pouvait, et malheur alors au chien qui n’avait encore terminé. Un grondement et un éclair des crocs, et ce chien était libre de confier son indignation aux impassibles étoiles, tandis que Croc-Blanc finissait la viande à sa place.
Ainsi le louveteau se fit à lui-même un orgueilleux isolement. Les récalcitrants, s’il s’en trouvait, étaient férocement mis au pas. Aussi sévère que celle des dieux était la discipline imposée par Croc-Blanc à ses compagnons. Il exigeait d’eux le plus absolu respect, tenant pour crime l’esquisse même d’une résistance. Bref, il était devenu un monstrueux tyran. Et, tant que dura le voyage, sa situation parmi les autres chiens, petits ou grands, fut, ma foi ! fort enviable.
Plusieurs mois s’écoulèrent. Castor-Gris continuait son voyage. Les forces du louveteau s’étaient accrues par les longues heures passées à courir sur la neige, en tirant le traîneau, et l’éducation de son esprit s’était également parfaite. Il avait