dans l’eau glacée avaient terni comme un vieux feutre sa magnifique fourrure.
Les larges coussinets de ses pieds étaient meurtris et saignaient. Il s’était mis à boiter et sa boiterie augmentait d’heure en heure. Pour comble de malheur, le ciel s’obscurcit et la neige commença brutalement à tomber, à la fois cinglante et fondante, glissante sous les pieds et lui cachant la vue du paysage qu’il traversait. Sa marche en fut encore retardée.
Castor-Gris avait décidé de camper, cette nuit-là sur la rive opposée du Mackenzie. Mais, un peu avant la nuit, un élan, qui était venu boire dans le fleuve, sur cette même rive que suivait Croc-Blanc, avait été aperçu par Kloo-Kooch, la femme de Castor-Gris. Si la bête n’était pas venue boire, si Mit-Sah n’avait pas gouverné en longeant la terre, à cause de la neige, si Kloo-Kooch n’avait pas vu l’animal et si Castor-Gris ne l’avait pas tué d’un heureux coup de fusil, les faits qui en résultèrent eussent pris un autre cours. Le louveteau, ne trouvant pas l’Indien, aurait passé outre et s’en serait allé plus loin, soit pour mourir, soit pour retrouver sa voie vers ses frères sauvages et redevenir un des leurs, c’est-à-dire un loup, jusqu’au terme de ses jours.
La nuit était tout à fait tombée. La neige descendait plus épaisse et Croc-Blanc geignait, à mi-voix, en trébuchant et boitant de plus en plus, lorsqu’il rencontra, sur le sol blanc, une piste fraîche. Si fraîche était-elle que nul doute n’était possible sur son origine. Retrouvant toute son ardeur, il la suivit, du bord du fleuve, jusque parmi