laises abruptes, il les contournait pour en atteindre le sommet. Il traversait, à gué ou à la nage, les affluents qu’il rencontrait, rivières et ruisseaux. Souvent, il se risquait à suivre la glace qui commençait à se former en bordure de la rive. Parfois il lui arrivait de passer à travers, et il lui fallait lutter contre le courant, pour n’être point noyé. Sa pensée demeurait fixée sur la piste des dieux. Sa seule crainte était qu’ils n’eussent quitté le bord du fleuve pour s’enfoncer dans l’intérieur des terres.
Croc-Blanc était d’une intelligence au-dessus de la moyenne de celle de son espèce. Cependant sa conception mentale n’était pas assez formée pour se porter sur l’autre rive du Mackenzie. Que serait-il advenu si la piste des dieux s’était poursuivie de ce côté ? Pas un moment cette idée ne pénétra le cerveau du louveteau. Plus tard, quand il eut voyagé davantage à travers le monde, quand il eut acquis plus d’âge et d’expérience, et connu plus de pistes et de fleuves, il n’eût pas manqué de songer à cette éventualité et de s’en inquiéter. À cette heure, il allait en aveugle, ne faisant entrer en ligne de compte dans ses calculs que la rive seule du Mackenzie sur laquelle il se trouvait.
Toute la nuit encore, il courut, butant, dans l’obscurité ; contre des obstacles qui le retardaient, sans l’arrêter. Vers le milieu du second jour, son corps, si dur qu’il fût, commença à fléchir ; sa volonté le soutenait seul. Il courait depuis trente heures et n’avait pas mangé depuis quarante, ce qui diminuait ses forces. Ses plongées répétées