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de nez et aux coups de pattes avaient succédé de cuisantes morsures. Et pour cela encore, il la respectait.

Une troisième famine revint, qui fut particulièrement dure, et le louveteau connut à nouveau, cette fois avec une conscience plus nette, l’aiguillon de la faim. La louve chassait sans discontinuer, quêtant partout un gibier qu’elle ne trouvait pas, et souvent ne rentrait même pas dormir dans la caverne.

Le louveteau chassait comme elle, en mortelle angoisse, et lui non plus ne trouvait rien. Mais cette détresse contribuait à développer son esprit et il grandit en science et en sagesse. Il observa de plus près les habitudes de l’écureuil et s’appliqua à courir sur lui, plus prestement, pour s’en saisir. Il étudia les mœurs des souris-des-bois et s’exerça à creuser le sol avec ses griffes, afin de les tirer de leurs trous. L’ombre même du faucon ne le fit plus fuir sous les taillis. Assis sur son derrière, en terrain découvert, il allait même, dans son désespoir, jusqu’à provoquer l’oiseau redoutable qu’il voyait planer dans le ciel. Car il savait que là-haut, dans le bleu, c’était de la viande qui flottait, de cette viande que réclamaient si intensément ses entrailles. Mais le faucon dédaigneux refusait de venir livrer bataille au louveteau, qui s’en allait en gémissant, de désappointement et de faim.

La famine, un jour, se termina. La louve apporta de la chair au logis. Une chair singulière et différente de la chair coutumière. C’était un petit de lynx, de l’âge approximatif du louveteau,