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tous les signes possibles de bienveillance. J’ignorais totalement, cela va de soi, que depuis deux ans le village « d’eau salée » [1] vers lequel nous nous dirigions faisait, parmi ses membres, des quêtes répétées ayant pour but l’acquisition d’une tête de blanc.

Tous ces coquins sont d’enragés chasseurs de têtes et, parmi celles-ci, les têtes de blancs font prime.

À celui qui couperait la tête en question le total de la collecte serait attribué.

Nous abordâmes sans encombre et je m’avançai sur la grève, à une centaine de mètres du canot, à la recherche des noirs qui, chose bizarre, s’étaient éclipsés en un clin d’œil.

Otoo m’avait averti de me méfier. Mais je ne l’avais pas écouté. Et, comme toutes les fois où il m’arriva de négliger ses avis, il faillit m’en cuire.

Sans aucun avertissement préalable, d’un bois de palétuviers qui était voisin, une nuée de javelots se mit soudain à pleuvoir sur moi.

Lardé d’une bonne douzaine d’entre eux, je me hâtai de battre en retraite. Mais un des javelots, qui s’était piqué dans mon mollet, me fit trébucher et tomber.

Ce fut alors, vers moi, une ruée de tomahawks à longs manches et de têtes crépues, celles-ci se battant entre elles pour avoir l’honneur de me

  1. Dans les îles océaniennes, les villages situés en bordure de la mer sont dits « villages d’eau salée », en opposition avec ceux de l’intérieur de l’île, disséminés dans la brousse.