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À plusieurs reprises il me sauva la vie et, sans Otoo, je n’écrirais pas ces lignes aujourd’hui.

La première fois ce fut à Samoa, où j’étais venu, ayant embarqué sur un brick, comme recruteur de main-d’œuvre.

Otoo, pour ne point se séparer de moi, avait signé sur le même navire, au gaillard d’avant, un engagement de simple matelot.

Quand le brick jetait l’ancre devant une île, deux embarcations prenaient la mer.

L’une était le canot recruteur proprement dit, qui gagnait directement le rivage. L’autre était un canot de protection, armé de fusils chargés, qui s’arrêtait à une centaine de pieds de la grève et demeurait sur ses avirons.

Otoo prenait place, ainsi que moi, sur le canot recruteur, comme aviron-chef. Et, tandis que je débarquais les marchandises d’échange, il s’asseyait, à l’arrière du bateau, avec un Winchester caché à portée de sa main, sous une pièce de toile à voiles.

Il veillait, l’œil bien ouvert, pendant que je discutais avec les têtes crépues et m’efforçais de persuader aux cannibales de s’en venir travailler en Australie, dans les plantations du Queensland.

Maintes fois il me prévint, à voix basse, d’un geste suspect et d’une traîtrise imminente. Il arriva même qu’un coup de fusil, abattant un noir à point nommé, fût le seul avertissement que je reçus.