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d’anciens matelots déserteurs de navires baleiniers, qui avaient trouvé là un refuge.

Quant aux indigènes, de fieffés cannibales.

À deux pas des paillotes et des maisons de bois des blancs, fumaient sans trêve, et sans refroidir jamais, les fours à cuire la chair humaine, où étaient traînés les corps abattus destinés à de succulentes ripailles.

Le « Lotou », c’est-à-dire le Culte, progressait lentement, et souvent à la manière des crabes.

Des chefs dûment catéchisés, qui se proclamaient chrétiens et étaient accueillis en frères dans la chapelle de la Mission, s’esquivaient souvent au cours même de l’office divin pour s’en aller prendre leur part de quelque cher ennemi, dont le fumet venait, dans l’air, dilater leurs narines.

Manger ou être mangé avait été, de tout temps, la loi du pays. Pour longtemps encore, elle semblait destinée à demeurer telle.

Certains chefs, tels que Tanoa, Touiveïkoso et Touikilakila, parmi les plus célèbres, avaient littéralement, au cours de leur vie, dévoré des troupeaux de leurs semblables.

Mais, entre tous ces gloutons, Ra Oundréoundré, qui régnait à Takiraki, s’était adjugé sans conteste le premier rang.

À l’aide d’une rangée de pierres, alignées devant son palais, il tenait un registre de ses exploits gastronomiques. Chaque pierre indiquait un homme qu’il avait mangé, La rangée avait une longueur de deux cent trente pas et les pierres étaient au nombre de huit cent soixante-douze.