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qu’il a construite. Mais comment ressusciter ceux qui ne sont plus ? Je n’ai pas voulu la chagriner et j’ai dit comme elle. Et, si Dave était soudain apparu, le plus étonné, pour sûr, eût été moi.

— Je ne comprends goutte à ton histoire. Prends-la par le début et conte-moi cela.

Lon Mac Fane parla ainsi :

— Victor Chauvet était un ancien Français, né dans le Midi de la France. Il vint en Californie, à l’époque de la ruée vers l’or. Non pas pour chercher de l’or, mais pour y mettre du soleil en bouteilles. Je veux dire qu’il était vigneron de son métier, et qu’il fabriquait et débitait du vin. De Californie, il suivit la course à l’or jusqu’en Alaska, où elle s’était transportée, et fut un des premiers qui arrivèrent sur les bords du Yukon. On le vit également, voilà douze ans, sur ceux du Porcupine. Il ravitailla en boisson d’immenses territoires. Victor Chauvet était bon catholique et n’aimait que deux choses au monde : le vin, tous les vins, et la femme, une seule femme, la sienne, qui fut la mère de Marie Chauvet.

Je ne pus, ici, m’empêcher de pester tout haut contre ce mauvais conteur, que je payais deux cent cinquante dollars par mois, et qui battait la campagne.

— Eh bien quoi ? demanda Lon. Pourquoi grognes-tu ?

— Je grogne parce que je m’attendais à ce que tu me racontes l’histoire de Braise d’Or. Que m’importe cette biographie interminable de ton vieux vigneron français !

Lon bourra sa pipe, sans s’émouvoir, en tira une longue bouffée. Puis, la posant à côté de lui, il reprit :

— Tu m’as demandé de prendre les choses à leur début.

— Parfaitement.